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LE CONTACT DE L’ARME


26 janvier 1906.

Au fond des difficultés que nous excellons, nous autres Français, à faire surgir sous nos propres pas, résident en général quelque principe mal interprété de science ou de philosophie, quelque idée abstraite mal appliquée. C’est ainsi qu’en matière religieuse, poursuivant la chimère théorique de la neutralité, nous ne parvenons pas à concevoir la tolérance qui en est la seule expression pratique. C’est ainsi que, dans notre désir d’atteindre à la justice parfaite laquelle est d’essence divine et passe même les limites de notre entendement, nous risquons souvent d’offenser l’équité qui est la justice imparfaite des sociétés humaines. C’est ainsi encore que, négligeant d’apercevoir sous son aspect final l’œuvre civilisatrice qui s’accomplit aux colonies, nous laissons les scrupules d’un sentimentalisme déplacé en ralentir l’élan fécond.

De même il apparaît que l’attachement passionné à la paix — attachement dont nous avons donné au monde des preuves récentes et méritoires — procède pour une large part de la notion que le contact de l’arme exerce sur l’homme une influence malfaisante. On sent l’opinion possédée à cet égard par une conviction sérieuse. Les raisonnables envisagent le fait de s’armer comme un mal inévitable ; on traiterait volontiers d’exaltés ceux qui continueraient d’y voir un signe de noblesse, un des privilèges par où l’homme se distingue de l’animal. Il y a là un pro-