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TOUTES LES RUSSIES


1er  novembre 1905.

Voilà donc l’empire russe en possession d’une Constitution. Il y a tout juste quatre-vingts ans que, pour la première fois, on réclama pour lui ce douteux privilège. Alexandre Ier venait de mourir ; son héritier, le grand-duc Constantin, aimant mieux rester vice-roi de Pologne que devenir empereur de Russie, avait décidé de renoncer à la couronne en faveur de leur frère cadet, Nicolas. Mais cela ne faisait point l’affaire des libéraux d’alors qui redoutaient — non sans raison d’ailleurs — l’intransigeante orthodoxie et les tendances par trop aristocratiques de Nicolas. Il y eut des révoltes fomentées par des sociétés secrètes, au cri de : « Vivent Constantin et la Constitution ! » Ces révoltes échouèrent piteusement et, au cours des procès qui suivirent, on découvrit que, dans l’esprit de la plupart des mutinés, cette Constitution qu’ils acclamaient n’était autre que la femme de Constantin. Les braves gens s’imaginaient rendre hommage à leur future tsarine ; on tenta vainement de leur expliquer ce qui en était, ils n’y comprirent jamais rien. J’ai bien peur que tel ne soit encore l’état d’esprit des pauvres moujiks enrôlés dans les phalanges révolutionnaires d’aujourd’hui. M. Clemenceau s’en doute apparemment puisqu’il convient que la Russie ne semble pas mûre pour le suffrage universel. Voilà de sa part une bien honnête concession et dont on lui doit savoir gré, encore que l’évidence la justifie pleinement. Mûre pour le suffrage