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1453 et 1905

aient pu brûler ainsi les étapes. Les individus y réussissent volontiers, quoi qu’en pense Paul Bourget mais les peuples n’y sauraient parvenir. Du vide social doit se cacher sous l’armure japonaise. Nous pouvons l’affirmer comme nous pouvions affirmer hier que des aspirations élevées et un patriotisme désintéressé chauffaient sous la banquise du mercantilisme transatlantique. Cela non plus n’arrive pas ; une nation ne s’édifie point sur l’unique souci de l’argent.

L’avenir seul pourra donner leur véritable signification aux événements dont nous venons d’être les témoins ; il en découvrira la portée réelle et les conséquences plus ou moins lointaines. Mais d’ores et déjà, il nous faut nous prémunir contre une hypnotisation possible par le péril jaune. Après tout, si les forces jaunes se sont révélées, les forces blanches se sont accrues. L’énergie américaine et l’audace australienne leur constituent, en Asie même, de redoutables avant-gardes nées d’hier.

Que les fumées sanglantes de Port-Arthur et de Moukden ne dissimulent donc pas à nos yeux ce qui se passe dans le reste du monde et ne nous fassent point perdre de vue les transformations générales qui sont en train d’y modifier profondément nos conditions d’existence. Rappelons-nous que, durant trois siècles, le fantôme de Constantinople pesa sur le jugement de nos pères — et le faussa.