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france et allemagne

l’issue de crises redoutables, ne l’a-t-on pas vue accueillir d’une façon aussi incorrecte qu’injustifiée la tentative de rapprochement artistique dont la noble impératrice Frédéric avait accepté de se faire l’instrument ? Si nous avons trouvé naturel qu’une mission militaire allât déposer une couronne aux rubans tricolores sur le cercueil du rénovateur de l’empire germanique et qu’en Chine, des troupes françaises collaborassent à l’œuvre commune sous l’autorité d’un feld-maréchal prussien, pourquoi donc avons-nous frémi lorsque Guillaume ii, au cours d’une croisière en Norvège, rendit visite à notre vaisseau-école et en profita pour adresser à notre marine un gracieux télégramme de félicitation ? Avons-nous protesté naguère contre la présence du prince de Naples aux manœuvres impériales de Lorraine ? Alors pourquoi cette explosion de fureur indécente sur le passage d’un souverain ami de la France, le premier qui lui ait rendu officiellement visite et dont le seul crime était d’avoir été nommé malgré lui colonel honoraire des uhlans de Strasbourg ?

Survint l’Exposition de 1900 — et ce fut un échange de cordialités imprévues. L’Allemagne était la reine de l’Exposition ; il n’y en avait que pour elle, on ne parlait que d’elle, on n’admirait qu’elle… Puis brusquement ce feu de Bengale s’éteignit comme s’il avait été alimenté tout simplement par quelque pincée passagère de notre vieille anglophobie. Et l’on s’est trouvé de nouveau à ce point que le kronprinz n’a pas cru pouvoir venir à Cannes rendre visite à sa fiancée et que cette princesse, si francisée par ses longs séjours chez nous, a dû se rendre à Florence pour y rencontrer son futur époux.

Tout cela vous semble peut-être normal ? Pas à moi. Disciple du bon M. de La Palisse, j’estime que lorsqu’on n’est point en guerre on doit être en paix et que, même si une nation cherche l’occasion d’une revanche opportune, elle ne doit pas se départir, envers ses adversaires de la veille et du lendemain, de la plus parfaite en même temps que de la plus sincère courtoisie ; à plus forte raison lorsque les