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FRANCE ET ALLEMAGNE


21 avril 1905.

Il est difficile de rien imaginer de plus incohérent que les relations de la France et de l’Allemagne depuis trente-cinq ans ; et, avouons-le bien franchement, cette incohérence ne provient pas seulement du fait de nos voisins mais aussi du nôtre. Jusqu’à ces derniers temps, nous n’avions connu que deux Allemagnes : celle de Bismarck, méfiante et irritée et celle de Guillaume II, aimable et prévenante. Toutes deux ont trouvé devant elles une France incertaine, manifestant tout à tour des admirations exaltées et des colères déraisonnables, répondant aux avances tantôt par de hautaines réserves, tantôt par des sourires empressés, opposant aux provocations parfois un sang-froid admirable et parfois une déplorable nervosité. N’a-t-on pas vu cette même opinion qui avait toléré, peu après 1870, la présence à Metz d’un représentant du maréchal-président venu saluer, à son passage dans cette ville, l’empereur Guillaume Ier, n’a-t-on pas vu cette même opinion faire un grief au gouvernement de la République d’avoir, vingt ans plus tard, accepté l’invitation à participer à l’inauguration du canal de Kiel ? Comme si entre une aussi humiliante démarche et l’assistance à une fête internationale, on pouvait trouver un élément quelconque de comparaison ! N’a-t-on pas vu cette même France qui, en 1875 et en 1887, silencieuse et résolue, avait attendu dans un calme si plein de dignité,