Page:Coubertin - Pages d’histoire contemporaine.djvu/222

Cette page a été validée par deux contributeurs.
206
le partage nécessaire

comme une suprême ressource pour le cas où des complications imprévues annihileraient l’autre ligne de défense, la première, la plus importante, celle que nous procureront les ententes protectrices.

Avec qui s’entendre ? Avec l’Europe dont nous sommes solidaires. Sur quelles bases ? Il n’en est qu’une : le partage de la Chine en protectorats avec occupations partielles. Hier c’eût été une folie ; aujourd’hui, c’est le salut. Demain peut-être, il sera trop tard. L’outil chinois ne peut plus échapper aux mains qui cherchent à s’en emparer. Entre des mains blanches et des mains jaunes, pouvons-nous hésiter ? Le plan, dans ses grandes lignes, est très clair : favoriser la descente russe vers Pékin ; permettre la coulée anglaise le long du Yang-Tsé ; amener les Allemands à compléter la ligne de leurs stations océaniennes par de solides établissements sur la côte chinoise ; y attirer les Italiens ; parachever notre propre empire au moyen d’un protectorat incontesté sur le Siam et d’une pénétration sérieuse dans le Yunnan et le Kouang-Si ; donner enfin à cette mainmise collective du vieux monde sur une large portion de l’Extrême-Orient la seule sanction qui convienne : un traité général de garantie englobant les possessions néerlandaises et stipulant pour la défense des intérêts communs l’entretien d’une force navale internationale nombreuse et bien en haleine.

Tout cela n’est point aisé sans doute ; l’échec est possible mais la réussite est probable. Et se retrouvera-t-on jamais en face de circonstances aussi exceptionnellement favorables ? Le Japon est immobilisé, la Chine désorientée ; les colères australiennes sont encore négligeables et la neutralité des États-Unis serait acquise en échange d’avantages commerciaux. Américains et Australiens du reste commencent à éprouver de salutaires méfiances à l’égard des jaunes ; ces méfiances tempéreraient leur dépit de voir l’Europe entamer une pareille politique.

Il n’y a contre cette politique-là que des idées philosophiques et des principes abstraits. Chez nous, elle n’est