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LA POLITIQUE EXTÉRIEURE
DES ÉTATS-UNIS


25 juillet 1902.

Les Européens se demandent volontiers — et non sans quelque maussaderie — si les États-Unis n’auraient pas pu se passer d’une politique extérieure.

Dès qu’une nation est parvenue à se cristalliser en un grand État, une ambition s’empare d’elle dont le principe est noble, quand bien même la poursuite en devient souvent féconde en erreurs et en injustices, — celle de rayonner au loin et d’agir sur les autres races, de les dominer si possible, de les gagner du moins à ses vues et de leur faire partager ses aspirations. Telle est la genèse de toute politique extérieure. L’intérêt a provoqué des guerres, certes, et en provoquera encore, mais il n’a jamais suffi à établir le canevas d’une politique extérieure et quel est, dans l’histoire, le peuple qui se soit contenté de gagner de l’argent et n’ait point sacrifié à de plus hautes préoccupations ? En existe-t-il de nos jours ? En tout cas, ce n’est pas le peuple américain. Nous nous sommes grossièrement trompés à son égard, nous autres Français. Un siècle durant, nous avons ignoré ses jeunes universités et dédaigné ses exploits militaires. Nous, son précepteur désigné, nous avons renoncé par insouciance à remplir une tâche fructueuse et l’avons abandonnée à d’autres. Bien plus, pour satisfaire un caprice dynastique sans base et sans avenir, nous avons risqué de perdre le bénéfice des services rendus jadis par un La Fayette et un Rochambeau