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LES CONDITIONS
DU PROGRÈS SCANDINAVE


30 novembre 1904.

Pour nous autres Français, la Scandinavie contemporaine est un miroir fidèle où nous pouvons dévisager utilement le problème de notre propre pensée.

Certes, au premier abord, l’assertion a de quoi surprendre. Comment comparer cette trinité disjointe à notre solide unité ? Comment mettre en parallèle ses persistantes incertitudes philosophiques et sociales, son histoire embrumée, sa géographie rude et contournée avec l’épanouissement de notre sol, avec la clarté de nos annales, avec la continuité stable de notre mentalité nationale ? Regardons-y de plus près pourtant. Laissons là Hamlet et Odin, les fjords et le soleil de minuit, les karioles et les skis. Tâchons de pénétrer un peu plus profondément dans la vie collective du scandinavisme. Qu’y relevons-nous, non point à l’horizon, sous la lueur lointaine des sagas mais au premier plan, parmi les réalités immédiates et inéluctables ?… Un dilemme dont l’alternative inquiétante pèse aussi sur nous, — des blessures semblables à celles dont nous souffrons, — des souvenirs, les mêmes auxquels nous ne saurions échapper, — un conflit, enfin, dont nous connaissons trop bien les termes contradictoires.

Le dilemme, c’est celui de la terre ou de la mer. Comme la France, la Scandinavie ne peut se libérer des contacts continentaux, pas plus qu’il ne lui est loisible de renoncer à ses façades océaniques. Elle est l’esclave des conditions