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l’usine britannique

de sociétés, les fêtes littéraires. Reste la Fire Brigade dont les pompiers novices ne sont pas les derniers à porter secours en cas de sinistre. Restent les délégations qui s’en vont représenter le collège dans les cérémonies publiques et les compagnies de volontaires qui l’associent à la défense nationale. Reste le « camp », cette colonie de vacances qui, organisée et dirigée par les élèves, procure aux enfants pauvres dont ils prennent la charge quinze jours d’air pur et de vie heureuse. Je plaindrais fort l’Anglais assez aveugle pour ne pas comprendre que de telles institutions ne sont pas seulement la gloire de sa pédagogie mais forment l’une des assises de sa prospérité. Où trouver l’équivalent de toutes les leçons de choses précises et pratiques qu’elles comportent ? quel est le problème de mathématiques, quelles sont les connaissances de métier qui renferment une pareille dose d’humanisme et autorisent un pareil apprentissage de la liberté ?

Personne, en Angleterre — parmi ceux dont l’avis compte — n’aspire à détruire cela. Personne ne souhaite d’emprunter au continent ses prisons scolaires, sa discipline arbitraire, ses méthodes de méfiance et d’espionnage. Quand nos voisins parlent de réformes pédagogiques, ce n’est pas à celles-là qu’ils songent. Cette portion de l’édifice est à l’abri, voilà l’important. Qu’on modifie l’enseignement, qu’on restreigne le sport, — l’éducation sociale demeurera intacte et l’adolescent continuera d’être préservé de toute possibilité d’entraînement utopique. Or, si l’on y regarde de près, c’est là le principal ressort de la « supériorité anglo-saxonne ». L’usine britannique, en préparant directement l’adolescent aux réalités de l’existence virile, tue dans l’œuf le germe déplorable dont nos collèges sont les couveuses : l’utopie.