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le carrefour néerlandais

empire exotique serait pour la Hollande le signal de la chute suprême. Cet empire est en quelque sorte le palladium de son indépendance. Il est vrai que la lutte interminable qu’elle a dû soutenir contre les indigènes de Sumatra non moins que les changements apportés aux méthodes d’exploitation ont annihilé les énormes revenus qu’elle en tirait ; mais c’est moralement et non matériellement qu’une pareille aventure l’atteindrait dans ses œuvres vives. De même qu’elle se défend contre les fureurs de l’Océan par un système habile de digues et d’écluses, ce sont les digues morales de son prestige séculaire qui la protègent contre l’envahissement et l’annexion. Où en serait ce prestige le lendemain d’un si grand désastre ? La devise symbolique de la maison d’Orange deviendrait une amère ironie. Ses princes ne pourraient plus rien « maintenir » de ce double équilibre de faits et d’idées qui assure depuis plusieurs siècles la grandeur des Pays-Bas. Il faut pourtant qu’il soit maintenu. C’est au carrefour d’Extrême-Orient qu’on doit poser les sentinelles qui y veilleront. À qui cette besogne incomberait-elle mieux qu’aux deux puissances occidentales dont les intérêts métropolitains aussi bien que les intérêts coloniaux exigent la préservation intégrale de l’État hollandais ? Voilà pour l’« Entente cordiale » un beau terrain d’action. D’avoir réglé si vite et d’un seul coup tant de litiges réputés insolubles l’étonne et la désoriente un peu. Français et Anglais se demandent à quoi faire servir maintenant leur bonne volonté réciproque. En s’entendant pour assurer l’avenir néerlandais, ils feront à la fois œuvre utile et noble, ils auront bien mérité du patriotisme et de l’humanité.