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le carrefour néerlandais

muantes audaces australiennes en sont toutes proches. La série récente des archipels allemands vient aboutir à la Nouvelle-Guinée. Au nord, l’Indo-Chine française et les Philippines américaines laissent apercevoir entre elles Formose où les Japonais s’installent et se fortifient. De tous ces points, on regarde les Indes néerlandaises et, à force de les regarder, on les désire.

Et comment les Japonais, notamment, s’abstiendraient-ils de les désirer, eux qui depuis quinze ans fouillent l’horizon en quête d’annexions profitables ? On dit bien qu’à l’étroit sur leur territoire, ils cherchent uniquement des colonies de peuplement ; celles-ci, avec leur climat équatorial, ne pourraient être que des colonies d’exploitation. Mais s’ils souffraient vraiment d’un entassement pléthorique, ils commenceraient par émigrer dans la grande île de Yéso qui touche au Nippon et contient à peine un million d’habitants, alors qu’elle en pourrait nourrir huit. Encore qu’elle soit belle et fertile, ils ne la trouvent pas assez riche, voilà tout. Quant à espérer que, même vaincus dans la dernière phase de la guerre actuelle, ils se replieront sur eux-mêmes et réintégreront leur passé laqué, c’est une illusion profonde. « Le vent d’Occident qui souffle sur ce pays ne s’abattra plus, » disait un Japonais de marque à M. Pierre Leroy-Beaulieu. On n’en saurait douter. En admettant qu’il leur faille évacuer demain la Corée, ils s’emploieraient à quelque autre tentative en attendant de reprendre celle-là.

Évidemment, ni la France, ni l’Angleterre, ni l’Australie, ni l’Allemagne, ni les États-Unis ne s’accommoderaient de voir les soldats de Mutsu-Hito opérer à Java un débarquement auquel la moindre querelle internationale toujours aisée à susciter fournirait prétexte. Mais la France s’accommoderait-elle mieux d’y voir circuler les « grey jackets » des Yankees, ou les États-Unis, les casques à pointe des Allemands ? De telles perspectives sont pourtant raisonnables ; il est sage d’y penser souvent et d’en parler quelquefois. D’autant qu’elles n’ouvrent pas seulement sur l’Asie mais en même temps sur l’Europe. La perte de son