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le carrefour néerlandais

se tient pour ainsi dire en marge des intérêts universels, tandis que l’autre les heurte de front en un point où ils constituent déjà un redoutable chaos. De sa splendeur passée, le Portugal ne conserve en Asie que Goa. Macao et la moitié de l’île de Timor. Mais en Afrique, il possède plus de vingt fois son propre territoire : trois enclaves dont deux sont énormes, Mozambique, plus grand que deux fois le Royaume-Uni, et Angola, plus grand que deux fois la France. Ces régions sont promises à l’influence et au commerce britannique. L’Angleterre a hypothèque sur elles depuis le fameux ultimatum du 11 janvier 1891 et l’humble soumission enregistrée par le traité du 20 août suivant. Le gouvernement portugais aurait-il pu éviter ces extrémités et chercher dans le développement de ses établissements de l’hémisphère austral l’occasion d’une patriotique régénération ? N’aurait-il pas dû contracter en temps voulu, avec le Transvaal et l’Orange, de prévoyantes alliances ? La question n’a plus qu’une importance historique. Le fait est là et déjà l’opinion générale s’y est accoutumée. On doit donc considérer le sort de l’Afrique portugaise comme fixé ; le monde n’interviendra pas pour détourner d’elle une mainmise qui paraît dans la force des choses et dont la réalisation, au reste, ne saurait ébranler l’équilibre général.

Le sort des Indes néerlandaises, au contraire, intéresse toutes les puissances européennes à un degré qu’indique suffisamment le moindre coup d’œil donné à une carte d’Extrême-Orient. Couvrant une superficie égale à soixante-cinq fois celle de la Hollande, peuplées de près de trente millions d’hommes, elles occupent le carrefour le plus important du globe : du détroit de Malacca au détroit de Torrès, elles tiennent toutes les routes. Exploité d’une façon qui ne fut pas toujours morale mais ne laissa point d’être fructueuse, leur sol pourrait produire bien plus encore et un commerce fabuleux sillonner leur parages. Autour d’elles cependant se dresse en un cercle menaçant l’effort rival des races les plus diverses. La prodigieuse activité de Singapour s’exerce au milieu d’elles ; les re-