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l’angleterre nouvelle

publique, à laisser tomber en désuétude la plupart de ses prérogatives gouvernementales, les Communes étaient sur le point de s’attaquer aux privilèges des lords. Que le repas se fit en une bouchée ou que les convives s’attardassent à en déguster le menu délicat, la fin finale serait identique. Ainsi pouvait-on raisonner à l’heure où précisément Taine étudiait les assises de l’édifice britannique. Grande apparaît sa clairvoyance de s’en être abstenu. L’illustre écrivain comprenait combien la logique est un guide peu sûr dès qu’il s’agit d’un pays où le conflit permanent et violent des intérêts et des sentiments se résout en alternatives inattendues et en contrastes perpétuels. Les choses, en effet, ont tourné à l’opposé de ce qu’on croyait.

Les Anglais sont loin du jour où George iv, usant pour la dernière fois d’un droit séculaire, fit choix de Peel et de Wellington pour former un ministère à son gré ; leur souverain d’aujourd’hui vient précisément d’accomplir un acte personnel qui mesure nettement le chemin parcouru : il est allé à Kiel, y a prononcé un discours dont il serait tout à fait puéril de dénier l’importance politique — et cette visite a été suivie de la signature d’un traité d’arbitrage marquant à tout le moins la résolution de ne laisser monopoliser par aucune nation continentale les faveurs de l’Angleterre. L’avenir établira si, en prenant une pareille initiative, le roi Édouard n’a pas montré une très sage compréhension des intérêts supérieurs dont il a la garde ; en tous cas, il l’a prise, cette initiative, au rebours des indications que lui donnait son peuple ; et ce n’est un secret pour personne que, jusque dans les rangs des gouvernants et dans l’entourage même du trône, sa démarche a déplu ; personne pourtant n’a osé rien dire.

La restauration du pouvoir royal dans le domaine politique n’est pas l’œuvre directe du roi actuel ; il sait admirablement en tirer parti mais il en a trouvé les éléments dans l’héritage maternel. Sur la fin de sa vie, la reine Victoria avait conscience de son influence grandissante et elle s’en servait avec cette discrétion prudente dont elle