Page:Coubertin - Pages d’histoire contemporaine.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.
164
les français en océanie

aux mains de la centaine d’Anglo-Australiens qui y entretiennent une dangereuse agitation. Enfin, dès 1876, les colons anglais eux-mêmes, sur lesquels la double influence des missions presbytériennes et de l’Australie ne pesait pas encore, réclamaient le protectorat français, — ce protectorat que les chefs des îles Fidji et Tonga, aujourd’hui anglaises et allemandes, avaient vainement imploré avant eux. La France n’écouta pas. L’amiral Dupetit-Thouars, en 1878, laissa échapper l’occasion qui s’offrait à lui de proclamer une annexion que nul n’eût contestée et lorsqu’en juin 1886 deux compagnies d’infanterie de marine et une d’artillerie vinrent apporter à nos hardis pionniers la protection dont ils avaient besoin, l’Angleterre, enhardie par notre mollesse et nos hésitations, exigea le retrait de ces troupes. Et on les retira.

De pareilles capitulations n’ont point découragé les Français des Nouvelles-Hébrides. À leur tête, un héros national, Higginson, à jamais conquis par sa patrie d’adoption, travaille infatigablement pour garder à la France ce domaine magnifique dont elle s’est si peu souciée jusqu’ici. Rien ne le rebute. Avec les seules ressources de la compagnie qu’il a fondée, il a su faire des merveilles. Mais le temps passe. En janvier 1900, quand furent échangés les actes diplomatiques concernant le partage des îles Tonga et Samoa, tout récemment surtout quand furent négociées les conventions franco-anglaises relatives à l’Égypte, au Maroc et à Terre-Neuve, on pouvait aisément mettre fin à cet état de choses déplorable. Pourquoi ne l’a-t-on pas voulu ?

Notre politique océanienne, depuis trente ans, est coupable parce qu’il y a un degré au delà duquel la sottise confine au crime. Après avoir perdu le canal de Panama, allons-nous négliger maintenant les postes échelonnés sur la route dont il ouvre l’accès ? Si c’est là ce à quoi nous devons nous résigner, mieux vaudrait pour notre dignité le dire tout de suite. Une grande nation peut à la rigueur consentir, sans déchoir, certains renoncements mais il y a des infériorités dont elle ne doit pas donner le spectacle.