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les français en océanie

qu’elles pouvaient donner ; c’est nous qui n’avons rien fait pour leur faire donner davantage, — rien pour utiliser leurs excellents mouillages, rien pour retenir les navigateurs dans leurs ports, rien pour assurer non plus leur sécurité éventuelle et pour étendre sur elles le prestige de notre puissance : ni phares, ni bassins, ni quais, ni magasins, ni arsenaux, ni dépôts ; point d’agences commerciales, point de comptoirs, point de services réguliers.

Alors les étrangers viennent ; ils sont déjà sept cents à Tahiti, contre douze cents Français ; ils y accaparent le commerce ; les transactions importantes passent entre les mains allemandes ou anglaises, les petits profits vont aux Chinois — et le résultat s’inscrit en chiffres douloureux. Ainsi, en 1891, les îles de la Société ont importé de France pour 688 000 francs seulement et exporté en France pour 814 000 francs de marchandises, alors que les totaux des importations et des exportations étrangères montaient respectivement à 3 867 000 et à 2 953 000 francs. À côté des trafiquants, et les secondant de leur mieux, opèrent les apôtres — mormons, adventistes, salutistes, wesleyens, presbytériens — qui, ayant inscrit leur credo dans les plis de leur étendard, laissent la parole divine se perdre à travers le chatoiement des couleurs nationales et croient servir l’Église en servant d’abord la patrie. Quelle aubaine pour ceux-là que l’anticléricalisme d’exportation auquel s’abandonne notre mysticisme laïque ! Quel renfort également que ce perpétuel recul devant le problème des Nouvelles-Hébrides, problème qui n’existait point, que nous avons créé de toutes pièces et envenimé de jour en jour !

Il n’y a pas un titre de possession qui nous manque pour revendiquer l’archipel. Si Cook lui a donné le nom qu’il porte, avant lui Bougainville l’avait baptisé différemment. La Pérouse et ses compagnons y périrent et, quarante ans plus tard, Dumont d’Urville y retrouvait les traces de leur martyre. La géographie en a fait une annexe indéniable de la Nouvelle-Calédonie. Trois cents Français y possèdent 500 000 hectares alors qu’à peine 50 000 hectares sont