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les leçons d’un cortège

patrie chaque fois que l’occasion s’en présente ; c’est ainsi qu’on entend, là-bas, le régime de la séparation. Voilà pourquoi, à Saint-Louis, la première invocation fut adressée à Dieu par S. Ém. le cardinal Gibbons et la dernière par le rabbin Harrisson, un évêque anglican et des pasteurs méthodiste, baptiste et presbytérien ayant officié dans l’intervalle.

De ces choses on pourrait conclure que les lieues marines séparant Paris de Saint-Louis s’augmentent de lieues morales plus longues infiniment — et plus nombreuses. Mais la distance, jadis, n’était pas si grande. Ce président qui circule en compagnie de son prédécesseur, — ces gouverneurs d’État qui paradent à cheval sur le front des milices, — cette participation du catholicisme aux actes de la vie nationale, — ce rôle de plus en plus considérable réservé en toutes circonstances au sentiment religieux largement interprété, ce sont là des manifestations de l’esprit nouveau tel que, s’inspirant de son maître Gambetta, Spuller l’avait conçu naguère en ses rêves patriotiques. Évidemment, au temps de Grant ou même de Garfield, les citoyens des États-Unis se fussent formalisés de spectacles semblables ; ils y applaudissent aujourd’hui et leurs applaudissements sont, chaque pour, plus nourris et plus spontanés. Ils évoluent donc en sens inverse de nous. Mais ils n’évoluent pas seuls. Regardez de près l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie même… partout vous surprendrez les souffles précurseurs de l’esprit nouveau.

Ne craignez-vous pas que notre renaissance jacobine agrémentée d’antimilitarisme et d’impiété ne prenne l’air bien minable et bien efflanquée au sein d’un univers où grandissent de si visible manière le prestige de l’uniforme et le respect de la prière ?