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LES LEÇONS D’UN CORTÈGE


18 mai 1904.

Il m’est arrivé d’Amérique dernièrement une de ces luxueuses brochures par lesquelles les gens de là-bas commémorent si volontiers les moindres circonstances de la vie publique et dont la distribution constitue l’épilogue obligatoire de toutes les fêtes. On dirait, à les feuilleter, qu’il s’agit de dépenser, en les publiant, le plus d’argent possible. Je me souviens d’un in-octavo relié en moire blanche qui traîne quelque part dans mes tiroirs ; il consacre le souvenir d’un banquet colossal offert en 1893 aux exposants de Chicago ; pour le remplir, on a mis sur une page les vins qui furent versés et sur une autre les hors-d’œuvre chargés d’aiguiser l’appétit des convives ; d’amples alinéas séparent la mention de chaque toast et la musique vocale est soigneusement groupée à part de la musique instrumentale. Enfin, les drapeaux de tous les États de l’univers — compris Saint-Marin et Liberia — sont figurés en admirables chromos sur le frontispice ; tout cela n’exige pas infiniment d’esprit mais c’est pesant et somptueux, gorgeous, comme s’exprime la langue anglaise en une sorte de gloussement satisfait ; cela étale la richesse du pays et la prodigalité des comités organisateurs.

La brochure que j’ai reçue ces temps-ci produit, par son aspect, une impression analogue ; mais elle renferme en plus des enseignements d’un ordre élevé sur lesquels je demande à attirer l’attention des Français qui me lisent.