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la lumière du nord

Plus encore que la France, l’Italie a bénéficié des robustes contacts qu’un juste sentiment de son intérêt et de son avenir l’a conduite naguère à s’imposer. Elle n’était, au lendemain de son unité, qu’un grand corps dégingandé impropre à plus d’une besogne nationale. Elle possédait, c’est certain, la maison de Savoie et ces phalanges de Piémontais têtus dont s’était servi Cavour. C’était beaucoup, ce n’était pas assez pour sa transformation en un organisme harmonieux, rapide à penser et souple à se mouvoir. Il lui fallait le préceptorat teuton afin d’apprendre ce que valent la discipline, la parade, l’abnégation, le respect humain, — ce mélange de qualités solides et de défauts brillants qui est indispensable à une nation pour faire son chemin. Parce que ce préceptorat nous a déplu, parce qu’en cette période de son développement, l’Italie moderne s’est parfois laissé entraîner vis-à-vis de nous à d’inutiles et regrettables aigreurs, ce n’est pas un motif pour méconnaître les avantages considérables qu’elle en a recueillis. Et si beaucoup d’Italiens en veulent à Francesco Crispi de ses excès de zèle qui souvent passèrent le but et entraînèrent en tout cas à des excès de dépenses, il en est peu certainement qui ne se félicitent, au fond du cœur, des services rendus par la politique continentale dont Crispi eut le tort de se faire le serviteur exalté au lieu d’en rester simplement l’adhérent convaincu. Politique brutale et rude, si vous voulez, mais féconde quand même ; l’Italie ne saurait s’en dégager tout d’un coup et faire table rase des vingt années qui achevèrent de s’écouler.

En venant s’asseoir au foyer latin pour y cultiver de prestigieux souvenirs et de nobles espérances, la France, de son côté, y apporte un sentiment sincère mais que contrôlent des faits puissants : l’alliance russe à laquelle elle entend demeurer fidèle en toute circonstance et qu’elle considère comme la base immuable de sa politique mondiale ;