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la lumière du nord

plus propre à éclairer les palais des dieux que les habitations des hommes. Le demi-jour septentrional, avec les reflets atténués qu’il répand, avec les proportions indécises qu’il dessine, avec les distances inexactes qu’il suggère, mais aussi avec la méfiance réfléchie et l’audace virile qu’il inspire, est, après tout, un guide plus sûr pour notre humanité myope et trébuchante.

Le Nord ! — du gamla, du friska, du fjellhœga Nord, comme chantent les Scandinaves — il aurait dû réclamer une part d’honneur dans ces fêtes radieuses ; car, si, pour user d’une expression à la mode, c’est la renaissance latine qu’on vient d’exalter à Rome, il faut reconnaître que les influences et les exemples du Nord furent les meilleurs artisans de cette renaissance-là.

Comment pourrions-nous le nier, nous autres Français ? Nous sentons bien que notre force de relèvement depuis 1870 n’a point été faite du seul élan qu’après le désastre nous insufflèrent le patriotisme indompté et la sève inépuisable. Elle fut faite aussi des réformes profondes que subirent notre esprit scientifique, nos habitudes pédagogiques, notre compréhension des affaires et de l’activité individuelle. Or d’où venaient les éléments de ces réformes, sinon d’Allemagne, d’Angleterre et d’Amérique ? Lorsqu’il a prononcé dernièrement l’éloge académique de son éminent prédécesseur, M. Frédéric Masson s’est grandement honoré en payant aux savants d’outre-Rhin un juste tribut d’éloges. Et cela ne veut pas dire qu’ils aient atteint des sommets inaccessibles et qu’on doive renoncer à égaler leurs mérites ou à surpasser leurs résultats. Bien au contraire, leur œuvre demeure fort incomplète. Mais nul ne saurait nier sans mentir à l’évidence que les principaux d’entre eux n’aient instauré chez nous, avec toute la plénitude nécessaire, cette outrance du scrupule, ce fanatisme des textes, cette religion de l’exactitude qui constituent la force fon-