Page:Coubertin - Pages d’histoire contemporaine.djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.

LA LUMIÈRE DU NORD


30 avril 1904.

À la lueur des magnifiques clartés par lesquelles l’effort associé de l’enthousiasme méridional et de l’art pyrotechnique romain vient de célébrer la réconciliation définitive de la France et de l’Italie, il semble que soit apparue plus nettement l’insuffisance de leur génie national à les guider efficacement parmi les méandres de la civilisation moderne. Un peu d’inquiétude a tempéré dès lors la joie de ceux qui réfléchissent. Ils ont eu, ceux-là, la vision soudaine d’une confédération latine s’étiolant le long des portiques solennels, écrasée sous le poids des principes rigides, isolée dans l’absolu des conceptions théoriques. Ils ont éprouvé la sensation d’une atmosphère sublime mais irrespirable et, inconsciemment, leur pensée et leurs regards se sont portés vers le Nord pour y chercher un peu d’illogisme, d’imperfection et d’imprévu, — de quoi vivre enfin ! Sans doute Édouard Rod obéissait secrètement à quelque instinct du même genre en écrivant l’autre jour son admirable article — une des plus belles pages qui se soient échappées de sa plume — sur l’antinomie de la liberté et de l’égalité. Dès longtemps l’idéalisme latin s’efforce d’en faire les cariatides centrales de son impossible temple, et les ouvriers généreux qui travaillent indéfiniment à réaliser une telle architecture n’en aperçoivent pas le néant parce qu’ils contemplent le chantier sous l’éclat fulgurant d’une lumière