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regrets et espérances

lisées de reviser, à l’amiable et selon les nécessités d’une géographie lente à se préciser, les délimitations antérieures arrêtées en Afrique d’après des données insuffisantes et parfois inexactes. Il y a là un travail de mise au point dont la légitimité est depuis longtemps reconnue. Comme on cherche après tout à civiliser le continent noir et à y faire pénétrer le commerce européen, aucun pays n’a intérêt à entraver l’œuvre collective, l’effort de chacun tendant à y accroître la sécurité et la richesse générales. Ce point de vue avait prévalu jusqu’ici. Nul n’aurait pensé qu’il pût y avoir dans des régions dont lord Salisbury parlait, il y a seulement dix ans, avec un si parfait dédain, la monnaie d’un rachat du traité d’Utrecht. Cette monnaie, l’Angleterre qui s’attendait qu’on la lui demandât du côté des îles normandes, où elle aurait d’ailleurs refusé de la prendre, était toute prête à la chercher aux Nouvelles-Hébrides. Voilà la faute capitale qui vient d’être commise. Le gouvernement a laissé échapper une occasion particulièrement propice d’effacer les conventions de 1878 et de 1887, de mettre fin à un régime absurde et de rétablir la France dans les droits incontestés qu’elle possédait en 1876 et qui périclitèrent bien plus par la coupable négligence de ses dirigeants que par l’audace de ses rivaux.

Autre faute : on a procédé à un partage intempestif des États de Chulalongkorn. Cela constitue pour nous un recul marqué sur les avantages que nous pouvions espérer du récent traité franco-siamois. Ce traité nous donnait le moyen de préparer au Siam l’établissement d’un protectorat qui a toujours été désirable pour la sécurité de notre empire indo-chinois, que les ambitions japonaises rendent aujourd’hui indispensable et auquel l’Angleterre s’attend depuis le jour où l’amiral Humann, forçant les passes du Meïnam, est venu apporter à Bangkok un énergique ultimatum. Le nouvel état de choses délimite les sphères d’influence respective de la France et de l’Angleterre. Les parts sont territorialement à peu près égales mais les Anglais possèdent dans la leur la capitale et le souverain.