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GRAINS DE RIZ
ET RAYONS DE GLOIRE


6 avril 1904.

Ici même, récemment, Marcel Prévost recherchant les raisons profondes du conflit russo-japonais en tirait une, qu’il jugeait péremptoire, de quelque statistique délaissée. Bien éloquents, en effet, ces deux chiffres dont le grand talent du chroniqueur accentuait l’âpre contraste ; l’un disait la population incessamment accrue et prête à déborder de son antique archipel ; l’autre racontait les récoltes diminuées, désormais insuffisantes à nourrir des multitudes innombrables ; ils dressaient, accolés, le spectre horrible de la faim qui suggère le meurtre et excite les convoitises, de la faim qui provoque les guerres et conseille les riches conquêtes. Trop d’habitants, pas assez de riz, — combien de sang a coulé dans le monde à cause d’une semblable disproportion et que d’hécatombes s’expliquent par cette brève formule !

Marcel Prévost rend service aux historiens en leur rappelant un point de vue dont jusqu’ici ils ont souvent méconnu l’importance ; mais il ne faudrait pas qu’ils versassent dans l’excès inverse et qu’ayant longtemps négligé d’approfondir les causes économiques des grands conflits d’autrefois, ils oubliassent de relever dans l’analyse des grands conflits d’aujourd’hui les germes passionnels qui y abondent. Un fait considérable tend à égarer l’opinion : le musellement, si l’on peut ainsi parler, des tyrannies individuelles, la déchéance des égoïsmes dynastiques. Il n’est