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RENAISSANCE NAVALE


26 mars 1904.

Le déboulonnage salutaire auquel ce journal prête main-forte — celui qui vise l’homme le plus néfaste d’un néfaste cabinet — se serait opéré d’une façon autrement aisée et rapide si l’opinion publique de chez nous connaissait quoi que ce soit aux choses de la marine. Mais son ignorance à cet égard est aussi profonde et aussi complète que celle de M. Tissier lui-même. Les Français, avec leur 3 140 kilomètres de côtes contre 2 380 kilomètres de frontières continentales, avec leur empire colonial de 10 310 000 kilomètres carrés, avec le puissant passé de souvenirs et de traditions que leur ont légué de hardis navigateurs, ont une compétence navale à peu près semblable à celle, non point des Suisses, possesseurs d’un grand nombre de lacs mais des Serbes lesquels se contentent, en fait d’aquatisme, de regarder couler le Danube. Prenez le premier d’entre nous qui vous tombera sous la main ; demandez-lui de combien d’unités se compose notre flotte, où sont nos escadres et nos principaux arsenaux, comment fonctionne l’inscription maritime, quel est le rôle d’un commissaire de la marine, ce qu’on entend par tonnage et cabotage, ce que c’est qu’un croiseur, un contre-torpilleur, un bassin de radoub, un wharf, un port franc, à quels chiffres se montent le personnel des équipages et celui des ateliers… Gageons qu’il n’en saura rien et que ses réponses se résumeront en quelques âneries émergeant d’un océan d’imprécision. La faute en