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LA MARCHE ARRIÈRE


24 février 1904.

Quelle est donc la maison d’automobiles qui a fourni à la République française son char de l’État ?… Eh bien ! je ne lui fais pas mon compliment, à cette maison-là. Ne parlons pas des pneus qui crèvent, des rouages qui se faussent, de l’essence de mauvaise qualité, et autres incidents secondaires ; nos chauffeurs gouvernementaux en sont plus ou moins responsables ; ils conduisent à l’aveuglette, avec une nervosité déplorable, se jetant sur un arbre par crainte du dérapage et s’exposant, l’instant d’après, à une valse folle pour éviter l’orteil d’une poule. Tant pis pour eux — et surtout pour nous qui les choisissons fort mal, sans discernement et sans garanties ! Mais le véhicule en lui-même est défectueux, car il lui manque un rouage essentiel : la marche arrière. La plupart des chars de l’État qui servent à nos voisins en sont pourvus, et comment donc circuleraient-ils sans cela dans les ruelles étroites et tortueuses de la politique, dans ce dédale dont nul Touring n’a pris soin d’étiqueter les carrefours, où rien n’annonce la descente trop rapide ou le tournant trop brusque ? Ne pas pouvoir reculer, c’est se condamner à suivre la mauvaise route quand il y en aurait peut-être une bonne toute proche ; c’est s’obliger à prendre pour la rejoindre de dangereux chemins de traverse, à faire d’inutiles crochets, à subir de coûteux retards.

Demandez donc à l’empereur Guillaume II et au roi