Page:Coubertin - Pages d’histoire contemporaine.djvu/132

Cette page a été validée par deux contributeurs.
116
l’œuvre de paix

pratiquement, sans déclamations ni protestations vaines, en exposant les faits et en les commentant dans le sens des solutions sages et raisonnables. Une revue en plusieurs langues, des brochures par milliers, des correspondances dans les journaux, des conférences, voilà en quoi devait consister leur action. Et surtout point de cet antimilitarisme qui semble une forme nouvelle de la névrose, une sorte de phobie des armes, enfantine et piteuse ! Que dirait-on d’un homme qui, consulté sur une affaire d’honneur, commencerait par poser en principe qu’on ne doit se battre en aucun cas, quelle que soit l’injure ? Il perdrait immédiatement toute influence et tout prestige. Le moyen de raréfier le duel, ce n’est point de le honnir mais, exaltant au contraire sa gravité et sa dignité, d’en respecter le caractère. Maudire la guerre, ce n’est pas davantage le moyen d’en diminuer la fréquence. Seuls, les forts et ceux qui honorent la force ont qualité pour prêcher le calme, l’immobilité et — au besoin — la retraite.

Voilà dans quel sens aurait dû être conçue la propagande pacifiste. Pourquoi n’avons-nous ouï parler du Congo que par les notes partiales de l’Angleterre et de la Belgique ? pourquoi sont-ce les Grecs, les Slaves et les Turcs qui nous renseignent sur l’état de la Macédoine ? pourquoi la complainte des juifs roumains nous vient-elle d’Amérique ? Il appartenait aux sociétés de la paix de fouiller ces problèmes et de dire aux gens de bonne foi et de bonne volonté ce qu’ils contiennent d’erreurs et de vérités. À elles non point d’écarter, mais de prévoir les orages et de les annoncer. Ainsi font les bureaux météorologiques et, par là, ils évitent des sinistres, des ruines, des naufrages. La météorologie morale qu’il fallait organiser devait s’inspirer des mêmes méthodes et se baser, avant tout, sur l’aveu de la même impuissance — l’impuissance de l’homme en face du fléau qui passe…