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l’œuvre de paix

Pour avoir lié leur sort avec tant d’énergie et d’exaltation à celui de l’arbitrage, pour avoir fait en son nom tant de promesses inconsidérées et avoir mené autour de son char un tapage si imprudent, les sociétés de la paix risquent aujourd’hui de compromettre irrémédiablement le but si élevé et si noble qu’elles se proposaient. Quand l’arbitrage aura échoué, la paix sera la victime de cet échec. Personne ne voudra plus y croire. N’y avait-il pas mieux à faire pour la servir ? N’y avait-il pas de moyen plus efficace de travailler pour elle ?

Il fallait viser moins haut, ne point transformer en prophétie une parole lyrique de Michelet et ne point promettre l’abolition de la guerre. Les savants, de même, ont nui à la science en promettant, en son nom, la vérité. La vérité, comme la paix, correspond à une formule mathématique bien connue : ce sont, l’une et l’autre, des infinis positifs. Les hommes peuvent y tendre, s’en rapprocher, mais non point y atteindre. Nous versons dans la bataille comme dans l’erreur par une nécessité résultant de notre imperfection, et notre imperfection est un élément fondamental de notre être. Diminuer les chances de guerre, voilà, si l’on ne cherche à tromper personne, tout ce qu’il y avait lieu d’annoncer à l’univers comme « essayable », sinon pleinement réalisable.

Or, d’où viennent les chances de guerre ? Quatre-vingt-dix-huit fois sur cent, de l’ignorance. Les querelles s’avivent et s’irritent parce que les intéressés eux-mêmes comprennent mal les différents aspects du conflit originel. L’opinion se divise ensuite et prend parti, ne les comprenant pas du tout. Et pourtant, quelle question n’a qu’une face ? la plus simple est encore un prisme qu’il faut manier pour le connaître.

C’était la tâche naturelle des sociétés de la paix de créer, puis de répandre les informations utiles, et cela posément,