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nos historiens

lequel le rôle de la chance et les médiocres dessous, inséparables d’un coup d’État, sont loyalement mis en relief au détriment des clartés que le succès final avait jusqu’ici projetées sur la figure centrale ? Pour un « historien de droite », voilà, certes, un acte d’indépendance qui peut compter.

Et ce qu’il convient encore d’admirer dans les œuvres de nos modernes Tacites, c’est la pondération du patriotisme. Amoureux de la France, ils le sont de toutes les manières ; la grandeur de sa mission passée ne décourage pas leurs ambitions futures ; ils peuvent déplorer certains des spectacles contemporains, il en est d’autres dont ils exultent : on sent qu’ils désespéreraient d’eux-mêmes avant de perdre confiance en leur patrie. Le Gesta Dei per Francos, pourtant — cette traditionnelle formule de notre orgueil national — n’a pas sous leur plume l’intransigeance et l’absolutisme du « Dieu et mon droit » des Anglais, du Gott mit uns des Allemands. Ils n’ont pas besoin, pour faire place à la France, d’empiéter sur le terrain des autres peuples ; leur appréciation de ce qu’elle représente dans le monde — des bienfaits qu’elle a répandus autour d’elle, des services éminents qu’elle a rendus à la cause de la civilisation — n’a rien d’exagéré.

Vient de mourir en Germanie un professeur de grand renom dont, précisément, le génie incontestable fut souvent dévoyé par une conception démesurée de la grandeur de sa race. La dernière manifestation de la pensée de Mommsen, ce fut cet étrange appel jeté aux Anglo-Saxons afin qu’ils se reconnussent frères par le sang des Germains ; les Boërs y étaient qualifiés de « Bas-Allemands », tout comme jadis l’avaient été les Hollandais ; il y était même question des « républiques allemandes de la Suisse ». Merveilleux stratagème ! le terme canton aurait impliqué la reconnaissance d’une nationalité helvétique : on y substitue