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nos historiens

toriens nouveaux : des prisonniers volontaires de la vérité en même temps que des coureurs d’espace et des chercheurs d’horizons. Relisez les grandes œuvres des premiers d’entre eux : de cet infatigable Albert Sorel qui, sur l’influence externe de la Révolution, a ouvert à l’opinion des perspectives si curieuses en même temps que, pour ses nombreux élèves de l’École des sciences politiques, il résumait en traits saisissants les transformations européennes des derniers siècles, — de cet élégant Albert Vandal dont le style réfléchi se ponctue d’un discret enthousiasme, — de Thureau-Dangin dont les sept volumes de la Monarchie de Juillet seront considérés plus tard comme l’un des plus parfaits parmi les monuments historiques de notre époque, — de Pierre de La Gorce en qui l’intégrité du magistrat et le sens inné de la justice et de la modération se doublent d’une franche élocution et d’un jugement limpide… Ne sentez-vous pas que ces écrivains, avant de fixer l’image des temps qu’ils évoquaient, ont pesé le pour et le contre de chaque problème et longuement analysé les sources diverses de chaque émotion ? « Historiens de droite », les a qualifiés un professeur qui se prétend lui-même historien et qui n’est qu’un avocat historique. Qu’est-ce à dire ? Sont-ce là des hommes de parti torturant le passé pour mieux triturer le présent selon leurs passions ? Appartiennent-ils à l’école de cet ineffable journaliste qui parlait naguère de « l’attitude défensive de Néron envers les chrétiens » ? On reproche à Thureau-Dangin d’être orléaniste ; mais ses récits de 1830 et la préface qu’il y a donnée dans son Parti libéral sous la Restauration contiennent maints jugements dont la sévérité s’accorde mal avec un semblable étiquetage. Taine, lorsqu’il se mit en route, ne pensait-il pas avoir à consacrer à nouveau la gloire de la Convention ? Vandal et La Gorce, si d’affligeantes comparaisons s’imposent parfois à leur esprit, hésitent-ils à blâmer les souverains dont ils racontent les exploits, à critiquer les ministres dont la politique leur paraît répréhensible ? Et qui donc a donné du 18 Brumaire un récit définitif dans