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la question nègre

Voilà le grand mot. Dans le Sud nul ne récrimine contre l’égalité civile, mais l’égalité politique n’a jamais été acceptée. Le gouvernement fédéral a commis, en la décrétant, une faute capitale. Vous direz que les principes de l’égalité républicaine exigeaient qu’il en fût ainsi ; mais l’égalité gagne-t-elle beaucoup à ce que les nègres viennent voter, du moment que leurs suffrages sont supprimés ou tenus pour nuls ? Car, il faut bien l’avouer, c’est ainsi que les choses se passent les trois quarts du temps ; une période électorale sur les bords du Mississipi vous fera comprendre la question nègre mieux que toutes les dissertations, car vous en surprendrez là le centre douloureux. Entre blancs et noirs, point de répugnance physique, point de haine de race ; au fond de cette vilaine guerre qui engendre des barbaries telles que les lynchages, des violences semblables à celles que je racontais tout à l’heure, au fond de tout cela, il n’y a qu’une querelle politique. Les blancs, qui se sentent — et à juste titre — très supérieurs aux noirs, ne veulent pas être gouvernés par eux ; et leur vouloir sur ce point est si robuste qu’ils seraient, je le crois bien, capables de reprendre les armes, le cas échéant, pour défendre des prérogatives que jusqu’à ce jour ils continuent d’exercer, non en droit, mais en fait.