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où va l’europe ?

leurs intérêts de classe au bien général. Entre ces deux catégories extrémistes, se tiennent les masses profondes qui vont de l’ouvrier attaché à son travail quotidien et l’aimant, au possesseur d’une de ces fortunes moyennes qui assurent la sécurité et même le bien-être, sans permettre pourtant ce gaspillage fantaisiste, insolent et stérile qui devient de plus en plus la manière de dépenser des gens trop riches.

C’est dans ces milieux-là que devront se recruter les architectes du nouvel État social si l’on veut qu’il ait quelque solidité et quelque durée. Cela paraît, à l’heure actuelle, assez invraisemblable. On ne voit pas le prolétaire raisonnable et le rentier moyen associant leurs efforts. Cela peut pourtant se produire, et c’est le seul « way out » de la situation paradoxale engendrée par la guerre, comme c’est aussi la seule chance pour l’Europe de reprendre la direction générale du progrès et de la civilisation.

Est-il besoin d’ajouter que l’on n’y parviendra qu’à condition de consentir, de part et d’autre, de sérieux sacrifices ? Et ils seront, ces sacrifices, de mérite inégal, car l’ouvrier aura surtout à abandonner des espérances utopiques, tandis que le rentier devra, en bien des cas, renoncer à une part de bonnes réalités tangibles. Mais au sentiment de sa conscience, qui s’est éveillée bien plus qu’on ne le croit à la notion de la justice sociale, se joindra la crainte de voir éclater, si nulle entente ne survient, un cataclysme près duquel celui dont nous émergeons n’aurait été qu’un jeu d’enfants.


xi

dans le jardin de tarquin

Le traité à conclure devra porter sur trois points principaux. Le premier de ces points a trait à la propriété. Il faut que le prolétariat en accepte le maintien, et les privilégiés, la limitation. Hors de là, point de salut. C’est, de nos jours, l’alpha et l’oméga de toute paix sociale. Il est assez probable que, plus tard, on trouvera très surprenante la liberté actuellement laissée aux citoyens plus intelligents, plus actifs ou plus favorisés par la chance, d’accumuler entre leurs mains autant de richesse qu’ils réussissent à en capter. On