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où va l’europe ?

ont, en somme, mis leurs compatriotes en garde contre l’Europe, les incitant à ne compter que sur eux-mêmes. Et ce n’est pas la guerre de Sécession, non plus que l’aventure impérialiste au Mexique qui ont pu agir sur eux en sens contraire. L’Amérique a toujours pensé qu’elle se suffirait à elle-même et — il faut bien l’avouer aussi — qu’elle pourrait un jour tout faire mieux que les autres. Le seul point peut-être sur lequel un doute à cet égard dut persister dans son esprit, c’était l’art militaire. Les grands capitaines européens lui semblaient l’avoir porté à l’apogée et, aussi bien, l’époque moderne se détournerait de plus en plus de l’activité guerrière. Les victoires américaines de 1898, pour faciles qu’elles aient été, n’en modifièrent pas moins cet état d’esprit. Aux États-Unis on les trouva géniales. Mais de là à entreprendre l’effort colossal que comportait la participation à la lutte engagée en Europe contre l’Allemagne, il y avait loin. Aussi, lorsque les Américains, soulevés, quoi qu’on en ait dit, par un de ces grands sursauts d’idéalisme qui traversent leur histoire, décidèrent de se préparer à cette tâche, ils le firent avec un séduisant mélange de résolution et de modestie. Jamais leur physionomie virile n’avait revêtu un aspect plus sympathique. La vaillante entreprise fut couronnée d’un plein succès. Ils établirent un record. La formation et l’entraînement des armées, leur transport au delà de l’Océan, leur utilisation méthodique et robuste, tout cela demeure la merveille de la guerre. Mais combien différentes de celles de l’Europe, ces armées ! Combien différentes cette discipline, ces relations entre officiers et soldats ! C’était comme un autre militarisme qui se dressait à côté de l’ancien et se montrait capable de l’égaler et de le remplacer au besoin. Ainsi s’évanouit le dernier doute que les Américains conservassent sur la supériorité de leurs formules. Quand ils rentrèrent dans leurs foyers, déçus, non pas par la confraternité d’armes mais parce que le résultat qu’ils s’étaient inconsciemment proposé — américaniser le vieux monde — n’était pas atteint, la nation commença de se replier sur elle-même.

Et cela se traduisit aussitôt par un abandon de la politique « transversale » et un retour à la politique « longitudinale ». Ouvrez l’atlas et regardez le planisphère. Les raisons géographiques qui conseillent