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où va l’europe ?

ii

les élèves grandissent

Deux événements s’étaient produits.

Le Japon s’inclinant devant la supériorité de l’Europe en avait adopté les méthodes, complètement, sans restrictions. Grande victoire pour l’Occident ! grand ébranlement pour l’Asie. La pensée asiatique, elle, n’avait jamais fait adhésion volontaire. Elle subissait le prestige européen et jusqu’à un certain point elle en reconnaissait le bien-fondé mais, au fond d’elle-même, elle continuait d’en mépriser le principe : ce principe de l’autonomie individuelle si contraire à l’intellect panthéiste et communiste de la vieille Asie.

Le second événement, ç’avait été l’ascension prodigieuse des États-Unis dans le domaine du perfectionnement technique et de la production tangible. Désormais un des élèves dépassait le précepteur et marquait son avance sur lui.

Le précepteur sourit. Il ne douta ni de la sincérité totale de l’abdication japonaise ni du sens restreint de la suprématie américaine. Le gagner en richesse, en alignements de chiffres, en enregistrement de records d’activité, la belle affaire ! Cela empêcherait-il qu’il ne fût le premier par l’esprit et ne le restât, qu’il n’eût derrière lui des siècles d’affinement et ne fût l’héritier de biens qui ne s’achètent pas ? « Combien pensez-vous qu’il faudrait pour bâtir un pareil monument ? » demandait un homme d’affaires en contemplant un temple grec ruiné. « Deux mille ans », répondit l’archéologue qui le conduisait. Toute la sereine confiance que ressent l’Européen à l’égard de sa propre avance se reflète dans cette spirituelle réponse.

Sur ces entrefaites commencèrent d’opérer deux personnages inattendus : le milliardaire américain et sa femme.

Leur silhouette ne saurait être tracée en quelques lignes et d’ailleurs le sujet ne le comporte pas. Il était, lui, un gagnant de la vie. Ses succès étaient généralement hors de proportion avec ses mérites ; il semblait le reconnaître par sa façon de répandre l’argent. Ses