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Cela me créait une situation solitaire malaisée à affronter. Si j’avais été un multi-millionnaire, il y aurait eu moyen de s’en tirer, mais les modestes ressources de ma bourse de jeune homme, qui avaient suffi jusque-là à aider les associations sportives scolaires en formation dans les lycées français, à circuler pour organiser ici ou là des manifestations désirables, comment leur demander un pareil effort international ? Et sans cela, avec quoi le soutenir ?

Une autre source d’incompréhension existait, chez les sportifs, celle-là : l’incapacité à collaborer d’un sport à l’autre. La génération actuelle n’arrivera jamais à réaliser l’état des choses d’alors. C’est qu’à y réfléchir, en effet, l’antinomie des sports entre eux est peu explicable puisqu’ils reposent tous sur le même soubassement de joie musculaire et de développement corporel préalable. Leur piédestal psycho-physiologique est identique. Mais voilà. Les sportifs du XIXe siècle étaient profondément convaincus que la technique d’un sport, étant contraire à celle d’un autre, ils se nuisaient pratiquement entre eux. L’escrimeur se détériorera à faire de la boxe. Le rameur doit se méfier de la barre fixe. Quant au cavalier de ce temps, l’idée de courir à pied ou de jouer au football lui eût donné la nausée. Il n’y avait que le tennis, alors à son aurore, et la natation qui ne suscitassent point de méfiance : le premier de ces exercices n’était encore qu’un passe-temps élégant, et le second une accoutumance utilitaire recommandée par l’hygiène générale et la sécurité en cas d’accident ou de sauvetage obligatoire.

Les représentants des différents sports ne