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mémoires olympiques

tuelle, comprenait, avec la Marseillaise, l’hymne russe et une ode de circonstance, une conférence en triptyque sur l’histoire des exercices physiques : Georges Bourdon parlerait de l’antiquité ; J.-J. Jusserand, futur ambassadeur de France à Washington, parlerait du moyen-âge ; et moi-même, des temps modernes.

Or, mon exposé, j’avais décidé de le terminer en forme sensationnelle par l’annonce de la résolution de provoquer le prochain rétablissement des Jeux Olympiques. Et allez donc !

Naturellement, j’avais tout prévu, hormis ce qui arriva. De l’opposition ? Des protestations, de l’ironie ? Ou même de l’indifférence ?… Point du tout. On applaudit, on approuva, on me souhaita un grand succès, mais personne n’avait compris. C’était l’incompréhension totale, absolue qui commençait. Elle devait durer longtemps.

Quatre ans plus tard, à Athènes, lors des Jeux de la première Olympiade, je me souviens d’une dame américaine qui, après m’avoir complimenté, me dit, en souriant : « J’ai déjà assisté aux Jeux Olympiques. » « Ah bah ! lui dis-je, et où donc ? » « À San Francisco. » Et voyant mon ahurissement, elle ajouta : « C’était très beau. César était présent (Caesar was there). » Une restitution, un « pageant », une représentation comme l’Hippodrome de l’avenue de l’Alma, ou à Londres, l’Olympia se plaisaient à en montrer en ces temps lointains, voilà ce qui, obstinément, allait se tenir entre mes auditeurs de 1892 et moi. Pleins de bienveillance, ils ne parvenaient pas à saisir ma pensée, à interpréter cette chose oubliée : l’olympisme, et à en séparer l’âme, l’essence, le principe… des formes antiques qui l’avaient enveloppée et étaient depuis quinze cents ans descendues dans la tombe.