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royal représentait la pérennité de l’entreprise et le caractère international que j’étais résolu à maintenir sans défaillance. En face se dressait le nationalisme populaire grisé par la pensée de voir Athènes en devenir le siège permanent et recevoir tous les quatre ans ce flot de visiteurs flatteur et avantageux.

J’ai décrit ailleurs les pompes de ces premiers Jeux, les difficultés et les déboires techniques, l’enthousiasme des spectateurs, les intrigues souterraines, le découragement de certains de mes collaborateurs, l’initiative royale enfin revendiquant pour la Grèce le monopole de l’olympisme rétabli… Et, volontiers, j’eusse cédé moi aussi si je n’avais pas réalisé avec une certitude absolue le caractère impratique et voué à l’échec final, d’un pareil plan. À aucun point de vue, Athènes n’aurait les moyens de renouveler indéfiniment de quatre en quatre ans un semblable effort auquel était nécessaire le rajeunissement périodique du cadre et des ressources. Mais allez donc faire entendre la voix de la raison à une opinion déchaînée, à un peuple qui se retrouvait tout à coup devant une vision vivante empruntée à son plus glorieux passé. Le monde grec avait tressailli tout entier à ce spectacle. Une sorte de mobilisation morale s’opérait. N’avait-on pas vu jusqu’aux moines du Mont Athos, alors séparés de la mère-patrie par une frontière douloureuse, envoyer leurs souscriptions pour la célébration des Jeux. Et tandis qu’à l’étranger le rétablissement des Olympiades n’était encore qu’un brillant et pittoresque fait-divers, il exerçait sur la mentalité hellénique l’effet du cordial le plus puissant. Si bien que lorsqu’une année plus tard la guerre gréco-turque devait éclater pour la libération de la Crête, on accuserait les