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lement pour accepter la mission qu’on veut lui confier. »

Je fus plusieurs jours sans pouvoir monter à l’Acropole, ni rien voir d’Athènes. J’étais devenu un ballon de jeu entre deux équipes politiques. L’opposition, dirigée par M. Th. Delyannis, avait pris vivement parti pour les Jeux Olympiques. La presse était divisée en deux camps et apportait à sa dispute quelque acharnement. Je passais mon temps à faire des visites aux hommes politiques et aux journalistes, sous la conduite de mes nouveaux amis, Georges Melas, fils du maire d’Athènes, et Alexandre Mercati, fils du directeur de la Banque et camarade d’enfance du prince royal.

Le cocher du landau descendait de son siège et disait à Georges Melas avec la familiarité charmante d’alors : « Monsieur mon petit Georges, je vais t’expliquer comment ton ami doit s’y prendre avec Tricoupis. » J’étais vexé que mon grec de collège ne me servît à rien, grâce surtout à la prononciation qu’on nous avait apprise. Mais, alors, on parlait partout français. Mon étonnement était grand de trouver une Grèce si vivante, restée si semblable à elle-même, à la fois très antique et très moderne. Mon instinct ne m’avait pas trompé en m’inclinant fortement vers elle. Désormais j’étais certain de son avenir. Je garderais toujours en ses destins renouvelés une foi solide.

Cependant je ne rencontrais pas la personne dont j’aurais eu besoin comme cheville ouvrière. Bikelas, pendant son séjour, avait agi par son charme et son zèle, mais il m’avait laissé le soin de dresser l’échafaudage… Le roi étant en Russie, le prince royal était régent et cela le rendait un peu plus timide vis-à-vis d’un cabi-