Page:Coubertin - Mémoires olympiques, 1931.djvu/210

Cette page a été validée par deux contributeurs.
212
mémoires olympiques

de toute signification. Ce qui rapproche olympiquement les deux époques, c’est le même esprit religieux, cet esprit qui a d’ailleurs refleuri dans l’intervalle chez le jeune athlète du moyen-âge. Religio athletæ : les anciens avaient entrevu le sens de cette parole ; les modernes ne l’ont pas encore ressaisi. J’estime qu’ils y inclinent. Des romanciers comme Montherlant ou Kessel pour n’en citer que parmi ceux de notre langue, m’en donnent l’impression.

Le bon sens à défaut de science suffit à faire comprendre comment les Jeux antiques ne furent exempts ni d’incidents fâcheux, ni de périodes effacées, ni d’attaques conduites par des adversaires irréductibles. Olympie a connu ses destins désunis. L’olympisme les a traversés sans y sombrer. Le néo-olympisme évoluera de même. Les Jeux rétablis ont sur leurs devanciers cette double supériorité : leur caractère mondial et leur célébration mouvante. Ils sont ainsi plus souples et plus solides. C’est au début qu’ils ont couru des risques ; à présent la sève est trop vivace pour se tarir. La guerre de 1914-1918 ne les a pas ébranlés : la révolution sociale ne les atteindrait pas davantage. Il est curieux de constater du reste qu’en doublure de l’organisation « capitaliste » fonctionne déjà une organisation « prolétarienne ». Des « olympiades ouvrières » ont eu lieu à des intervalles réguliers non sans succès. À l’heure où j’écris, on construit à Moscou, paraît-il, un stade monstre où sera célébrée la prochaine. On en profiterait même pour débaptiser la manifestation, ce qui sera d’une puérilité lamentable et soulignera le trait trop fréquent de l’action révolutionnaire : alors qu’il y aurait tant d’institutions nécessitant des rénovations, on se borne à les changer de noms : des mots au lieu d’actes.