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à suivre. Je me souviens du sentier qui montait en serpentant vers la petite colline où se trouvent le musée et l’hôtel. Un air pur, embaumé de senteurs, soufflait des rives de l’Alphée. Le clair de lune anima un moment un paysage vaporeux puis la nuit étoilée tomba sur les deux mille ans dont je venais chercher l’émouvant contact. Le lendemain, de ma fenêtre, je guettai le lever du soleil et dès que ses premiers rayons eurent traversé la vallée, je me hâtai seul vers les ruines. Leur petitesse provenant d’une part de la proportion restreinte des édifices et de l’autre, de leur entassement (cette absence d’espaces libres si caractéristique de la civilisation grecque et romaine et à laquelle s’opposent, en un contraste saisissant, les conceptions perses), leur petitesse donc ne me surprit ni ne me déçut. C’est une architecture morale dont j’avais à recueillir les enseignements et celle-là magnifiait toutes dimensions. Ma méditation se prolonge tout le matin tandis que seul le bruit des clochettes des troupeaux sur la route d’Arcadie troublait le silence.

Les souvenirs d’alors me revinrent en foule en cette soirée du 16 avril 1927. Autour de la gare s’étaient bâties de nombreuses maisons, mais les environs de l’hôtel et du musée n’avaient point changé. Nous passâmes près d’une sorte d’obélisque recouvert de toiles. C’était le monument de marbre blanc érigé par le gouvernement hellénique et sur lequel je savais que mon nom se trouvait gravé en grec et en français. Il y eut un grand dîner à l’hôtel, une sorte d’agape à base de plats populaires qui avaient comme un parfum d’antiquité. Et de nouveau tout se répéta pour moi : la veillée à la fenêtre à contempler les rayons d’une lune fugitive glissant sur les prés de l’Alphée et, dès l’aube du lendemain, l’er-