Page:Coubertin - Mémoires olympiques, 1931.djvu/192

Cette page a été validée par deux contributeurs.
194
mémoires olympiques

d’hésitation, ni un mouvement de contrariété. Au grand banquet de deux cent couverts donné par la British Olympic Association et qu’il présidait, on le vit, bien qu’il y eut là des ambassadeurs, des ministres, le maréchal Foch…, se lever pour tendre un verre de champagne à chacun des douze bagpipers qui, leur double tour de salle accompli, étaient venus se ranger derrière lui. Quand sonna l’heure des toasts, il porta le premier à son père, au chef de l’État français et aux autres chefs d’États des nations participantes. En se rasseyant, il me dit : « Ouf ! Voilà le premier obstacle sauté… » Et peu après, se relevant, il prononça à la gloire de l’olympisme, un véritable discours.

La simplicité du prince Carol de Roumanie n’était guère moindre. Il venait au stade conduisant une auto découverte et généralement accompagné. Une après-midi, il était seul. Un brave sergot accourut me chercher dans la tribune présidentielle : « Monsieur, me dit-il, il y a là un particulier qui prétend être le prince héritier de Roumanie. Ce doit être un farceur. Il est tout seul dans sa voiture et la conduit. On veut le mener au poste parce qu’il a enfreint la consigne. » Je me précipitai. Le prince avait l’air ravi. « Pourquoi venez-vous ? me dit-il. On allait m’emmener au poste, c’eût été très amusant !… » Pas pour les hommes de garde qui faisaient une tête !

Cependant que se succédaient avec des fortunes diverses, les meetings d’escrime, de boxe, de lutte et qu’au stade les finales de course à pied, les sauts, les lancers soulevaient les acclamations, que dans d’autres décors, nageurs, rameurs, concurrents du pentathlon moderne se disputaient la victoire, une équipe silencieuse et attentive travaillait d’arrache-pied dans les bureaux de la rue