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une manœuvre politique anglaise, à laquelle la France se joignit, rendit stérile tout l’effort accompli et le roi Fouad dut inaugurer le beau stade d’Alexandrie de façon discrète et toute locale. Je ne puis m’expliquer sur cette assez fâcheuse affaire puisque, lorsqu’elle se développa, j’avais quitté la présidence du C. I. O. Mais au fond des choses, il y avait le conflit essentiel, la lutte de l’esprit colonial contre la tendance à émanciper l’indigène, tendance pleine de périls au regard des états-majors de la métropole. Les arguments employés n’auraient pas été sans valeur… autrefois ; mais ils appartiennent au passé mort. Il y a bel âge qu’ils ne peuvent plus servir. La Revue Olympique avait traité ce beau sujet du « rôle du sport dans la colonisation » dans un numéro de janvier 1912. Vingt années plus tard, je crus l’évolution des esprits suffisante pour passer à la pratique ! Il paraît que la question n’était pas encore mûre. Elle doit être maintenant bien près de sa maturité et je demeure convaincu qu’avant longtemps l’Afrique sportive s’organisera malgré tout, mais peut-être moins bien que si l’Europe avait su prendre, en temps voulu, la direction du mouvement. Il restait en tous cas la « médaille africaine » destinée à être annuellement mise à la disposition des chefs de poste, des missions… pour l’encouragement des exercices sportifs. Ce serait quelque chose en attendant mieux. Elle représente un noir lançant le javelot et, sur l’autre face, lisible à travers des bambous, cette inscription en latin, puisque l’Afrique est polyglotte pour les colons comme pour les indigènes : Athletæ proprium est se ipsum noscere, ducere et vincere. Se connaître, se gouverner, se vaincre, beauté éternelle du sport, aspirations fondamentales du vrai sportif et conditions de son succès.