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mémoires olympiques

Aux approches du Congrès, tout demeurait, si je puis ainsi dire, à raies de lumière sur fond gris. Autour de moi, j’avais réuni un petit orchestre qui, les yeux fixés sur mon pupitre, attendait le signal de l’archet, sans bien savoir quel air il allait être appelé à jouer. Je fis porter tout mon effort sur la séance d’ouverture et la première audition avec chœurs de l’Hymne à Apollon découvert dans les ruines de Delphes. Gabriel Fauré s’y prêta de bien bonne grâce.

Brusquement, le nom du Congrès changea. Les mots « Congrès pour le rétablissement des Jeux Olympiques » figurèrent sur les lettres d’invitation, dont un spécimen est exposé à Lausanne, dans le Musée Olympique. Dans le cadre prestigieux du grand amphithéâtre de la Sorbonne (la nouvelle Sorbonne cette fois), en face du « Bois sacré » de Puvis de Chavannes, entre une belle ode de Jean Aicard et un savant commentaire de Théodore Reinach, précédés d’un discours académique du baron de Courcel, l’audition de l’harmonie sacrée plongea la nombreuse assistance dans l’ambiance espérée. Une sorte d’émotion nuancée se répandit comme si l’antique eurythmie transparaissait à travers le lointain des âges. L’Hellénisme s’infiltra de la sorte dans la vaste enceinte. Dès ces premières heures, le Congrès avait abouti. Je savais que, désormais, consciemment ou non, personne ne voterait contre le rétablissement des Jeux Olympiques.

Il fut, en effet, proclamé sans opposition le 23 juin, à la dernière séance. Les congressistes avaient fait d’honnête besogne. Divisés en deux commissions, l’une pour l’amateurisme, l’autre pour l’olympisme, ils avaient eu pour présider leurs travaux, d’une part Michel Gondinet, président du Racing Club de France, de l’autre,