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mais très probante, que de constater la maladresse musculaire du meilleur sportsman placé pour la première fois sur un cheval. Il a son apprentissage préalable à faire, tout comme un novice de l’équilibre. Et pourtant, combien son équilibre à lui devrait avoir d’avance ! Que de mouvements lui sont devenus familiers qui semblent être utilisables pour le sport équestre.

C’est là un mirage. Si vous passez en revue toutes les formes d’exercices, vous n’en trouvez point qui préparent véritablement le cavalier ; et cela tient à ce que la position de celui-ci l’oblige à prendre son point d’appui latéralement, par le contact des jambes, sur les flancs de sa monture ce qui, non seulement n’existe à aucun degré en gymnastique et en sport mais modifie de la façon la plus complète les conditions dynamiques du corps. On peut dire sans exagération qu’entre l’homme à pied qui repose perpendiculairement sur le sol et l’homme à cheval qui s’appuie latéralement sur l’animal existe une différence telle qu’elle supposerait chez le second une structure autre que chez le premier. À défaut d’une structure spéciale, il faut une adaptation spéciale, par conséquent, une gymnastique spéciale.

Cette gymnastique se pratique à cheval ; l’homme est « rompu » à l’équitation. Notez que voilà une expression imagée qui est constamment sur les lèvres de l’instructeur ; elle s’impose à lui tant elle peint bien le but auquel tendent ses efforts. Les leçons d’équitation s’allongent ainsi de toute une période préalable qu’il faut réduire si l’on veut populariser le sport équestre.

Le veut-on ? Et pourquoi non ?

Pendant longtemps, les cavaliers d’élite ont vu avec déplaisir toute aspiration de ce genre. Ils se représentaient leurs traditions les plus précieuses périclitant et sombrant au contact d’une vulgarisation dont, aussi bien, ils n’apercevaient aucunement l’avantage. Leur aristocratique chevalerie s’alarmait bien à tort puisqu’ils négligeaient d’apercevoir qu’en Angleterre — terre d’hippisme par excellence — l’équitation populaire et l’équitation d’élite prospéraient côte à côte depuis bien longtemps, sans se nuire le moins du monde l’une à l’autre. Mais quoi ! un Anglais — surtout à cheval — est, par définition, un « gentleman ». N’est-ce pas blasphémer que de prétendre hausser jusqu’à lui le « Sonntagsreiter » continental ?

On me pardonnera de ne pas m’attarder sur cette question de principe, ayant des observations pratiques à présenter qui vont déjà trop allonger ce chapitre. Je suis depuis longtemps acquis à la cause de l’équitation populaire. Le cavalier occasionnel est celui qui est capable, « sans avoir pioché l’épaule en