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plaira de se spécialiser. Et, afin que ce multiple apprentissage ne traîne pas, j’innoverais une leçon qui tiendrait de l’assaut sans jamais tourner en assaut véritable. L’attaque que vous enseignez, pourquoi exiger de l’élève qu’il l’exécute indéfiniment au commandement, au lieu de prendre son moment pour la bien dessiner ? La leçon d’escrime a dégénéré en une routine qui, trop souvent, retarde les progrès au lieu de les hâter… Mais on va me trouver trop révolutionnaire après que, tout à l’heure, je parlais un langage de vieux conservateur. Être à la fois révolutionnaire et conservateur, c’est trop pour un seul homme, n’est-ce pas ?



À POINGS NUS

La boxe est un sport de tous les âges. Par là, il se classe au premier rang en pédagogie sportive.

On me demandera tout de suite de quelle boxe je veux parler : l’anglaise ou la française ? Les personnes les moins expertes savent pourtant que la première se borne au coup de poing et que la seconde admet le coup de pied. Nous y fûmes jadis assez habiles. Pendant l’expédition du Mexique, nos soldats se servaient de la boxe française qu’on appelait alors « savate » pour se préserver du couteau des Mexicains, très forts à ce jeu. Ces derniers, avertis, regardaient à provoquer des rixes. « C’est un Français, il rue », disaient-ils entre eux. Eh bien ! il est bon d’apprendre à ruer et le souvenir que je viens d’évoquer témoigne que la ruade humaine n’est point inoffensive. Mais comme, à la différence de notre ami le cheval, nous n’avons que deux jambes, elle nous déséquilibre passablement. De là la nécessité de n’en user que modérément. Tant que l’adversaire est à distance suffisante et peut y être maintenu, la boxe française comporte des arguments fort intéressants à employer mais quand l’intervalle a diminué de façon à permettre le coup de poing, ne comptez plus que sur la boxe anglaise. Et lorsque le combat dégénère en corps à corps, acceptez franchement la lutte en appelant même à votre aide les beautés du jiu-jitsu.

Telle est la gradation de ce que j’appellerai « l’escrime sans armes ». Il y aurait là matière à une éducation d’ensemble très complète à laquelle s’oppose malheureusement l’action des spécialistes qui ont intérêt à enseigner séparément ces arts divers et à maintenir entre eux d’inutiles cloisons.

En boxe française, réservant le coup de pied de flanc et le