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correctement exécutés répondent à toutes les éventualités du sauvetage dans l’eau. C’est une erreur grande. Encore une fois, il est excellent de s’y plaire quand on s’y est mis de son plein gré mais la première chose est d’en pouvoir sortir quand on s’y trouve malgré soi — et a fortiori d’y pouvoir porter aux autres en cas de péril un secours efficace.

Le sang-froid est d’autant plus nécessaire en manière de préambule à la natation que son absence se traduit volontiers par la précipitation du geste. Et c’est pour cette raison qu’il peut être bon de commencer par répéter à sec, sur le chevalet, les mouvements des bras et des jambes afin d’apprendre à y mettre la lenteur et l’allonge voulues. Ce serait même là une bonne pratique pour ceux qui s’adonnent à la gymnastique de chambre quotidienne : trente brasses sur une chaise, en respirant bien, ouvrent très congrument la séance, comme vous vous en rendrez compte dès demain matin, si cela vous plaît, lecteurs. Mais ne demandez pas à cette natation plus qu’elle ne peut donner et n’oubliez pas que c’est au fond de l’eau que gît le talisman du parfait débrouillard.



À L’ARME BLANCHE

Celui-là ignore une des plus grandes joies de la vie virile qui n’a jamais tenu en mains qu’un fusil, fût-il muni de sa baïonnette. Le plaisir de manier une épée ou un sabre est quelque chose d’intense et de particulier et la source de ce plaisir réside dans le fait que le corps entier prend part à la bataille : par la garde d’abord, sorte de mobilisation générale qui impose à tous les membres une attitude difficile, anormale mais calculée de façon à bien assurer la défense, à bien réaliser l’effacement derrière lequel se prépare l’offensive ; par l’allonge ensuite, qui déclanche cette offensive et permet la ruée vers l’adversaire des forces animales retenues pourtant et contrôlées par le cerveau. C’est même cette retenue indispensable au bon escrimeur qui rend l’escrime un peu éprouvante pour le système nerveux, par comparaison avec d’autres sports, où l’automatisme, une fois établi, domine librement : tel l’aviron.

La garde et l’allonge sont donc les deux pôles de la gymnastique spéciale préparatoire à l’escrime et — qu’on me pardonne de prendre si nettement parti dans une dispute inassouvie — c’est le fleuret qui convient à l’apprentissage de la dite gymnastique : arme de convention, irrationnelle autant qu’on voudra,