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le 16 mai.

Président partageassent, sur ce point, l’opinion qu’il exprimait avec tant d’assurance. Quant à sa conscience, elle ne lui reprochait rien. À côté de la consigne républicaine qu’il avait acceptée sans arrière-pensée et qu’il observait avec une fidélité « procédant à la fois des délicatesses du gentilhomme et de la passivité du bon gendarme[1] », il tenait pour non moins impérieuse une autre consigne non écrite qu’il interprétait, celle-là, avec les préjugés de son milieu et sous l’influence dominante des coteries qui l’entouraient. C’était la consigne cléricale et conservatrice, au sens que les cléricaux attribuaient à cette expression. Le maréchal n’était pas, à leurs yeux, le seul gardien de l’ordre public ; il était encore le défenseur de certaines idées, le protecteur de certains groupes ; il y avait des opinions qu’il ne devait pas laisser exprimer, des hommes auxquels il devait barrer la route. On le lui répétait à tout instant. Laissé à lui-même, il eût été un président modèle ; sans cesse harcelé par son entourage, il perdait la notion de sa propre situation, de l’origine de son pouvoir et de la nature de ses attributions. De là, les clartés honnêtes de son langage et le peu de conformité des actes aux paroles. Quand, au cours de ses voyages, il répondait aux allocutions ou bien qu’il adressait quelque message au pays, c’était lui-même qui parlait ou écrivait ; d’autres, trop souvent, agissaient sous son nom. Or, toutes les influences

    collaborateurs : « les imprudents conseils de droite, et les stériles violences de gauche, avaient, dit-il, chauffé à blanc le chef de l’État. » Quant au duc de Broglie, il n’aurait pas été très enthousiaste au premier moment. M. Daudet lui prête ce mot : « On nous a jetés maladroitement à l’eau, il faut nager. »

  1. Jules Ferry, Discours et Opinions, t. ii.