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le 16 mai.

le véritable caractère de la crise du 16 mai est apparu clairement. Cette crise ne fut point politique, elle fut essentiellement religieuse.

Après que, couronnant l’œuvre de son long pontificat, le pape Pie ix eut offert au monde « un césarisme intellectuel, comme le remède unique, comme la solution vainement et longtemps poursuivie dans le désarroi de toutes choses[1] », on vit, en France, un nouveau catholicisme — non plus celui que nos pères avaient connu et aimé — monter de toutes parts à l’assaut de la société moderne : il s’était précisé pendant les sombres jours de 1870 ; les esprits affaiblis ou terrifiés avaient accueilli avec transport ses visions consolantes et ses surprenantes prophéties ; des dévotions nouvelles étaient nées : une étrange idolâtrie en faisait le fond. Comme jadis, en Phrygie, sous Marc-Aurèle, l’attente de quelque rénovation mystique hypnotisait les âmes ; des scènes d’illuminisme et d’extase se produisaient à chaque instant. « D’innombrables petits livres répandaient partout des chimères ; les bonnes gens qui les lisaient trouvaient cela plus beau que la Bible[2]. » Quand, après la guerre, le calme se fut rétabli, nombre de sanctuaires, inconnus la veille, ouvrirent leurs portes aux fidèles. Le clergé demeurait sur la réserve. Chose curieuse, c’étaient des laïques qui avaient mené le mouvement, organisé les pèlerinages, répandu le nouvel Évangile. Ils semblaient vouloir confisquer la religion et en faire leur chose. Ils avaient pour quartier général le monastère de Paray-le-Monial ; ils y entrainaient les députés et s’indignaient que

  1. Jules Ferry, Discours prononcé le 3 juin 1876.
  2. Renan, Marc-Aurèle et la fin du monde romain.