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le 16 mai.

Rien, dans la situation intérieure du pays, ne légitimait l’espèce d’angoisse, d’affolement que ressentaient les conservateurs en face des républicains, rien, si ce n’est l’ignorance profonde où ils se trouvaient de leurs ambitions et de leurs desseins. À aucune époque on n’a vu une divergence de sentiments à la fois plus profonde et moins fondée entre deux partis. La répugnance qu’avait éprouvée le maréchal à confier le pouvoir à M. Jules Simon[1], les députés l’éprouvaient à leur tour à suivre le nouveau chef du cabinet, même lorsque celui-ci défendait leurs principes les plus chers. Conservateur, M. Jules Simon l’était, à coup sûr, plus qu’aucun de ceux qui se paraient de ce titre et lui refusaient leurs voix. Il en donnait les preuves chaque jour.

À gauche, on réclamait l’épuration des fonctionnaires hostiles à la forme du gouvernement. Il y avait eu de véritables scandales dans certains départements, et l’épuration était indispensable, mais on la voulait trop complète. Jules Simon résista avec énergie. « Si je vous écoutais, dit-il aux républicains avancés, j’introduirais dans les mœurs françaises cette rotation des offices américaine, cause de tant de maux. » Un conflit budgétaire s’étant élevé entre la Chambre et le Sénat[2], le ministre défendit les droits de

    à ne pas mettre ses actes assez d’accord avec ses paroles, il proposait en même temps la cessation des poursuites pour faits relatifs à la Commune. La Chambre admit cette mesure avec atténuation, le Sénat la repoussa, et ce fut la cause occasionnelle de la chute du cabinet Dufaure.

  1. M. Jules Simon succéda à M. Dufaure après une crise d’une longueur injustifiable. Il confia la justice à M. Martel et conserva les autres ministres.
  2. La question était de savoir si la Constitution autorisait le Sénat à rétablir des crédits supprimés par la Chambre. « En fait, dit M. Ribot (Cours fait à l’École des sciences politiques, non publié), dans presque