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de la république.

ques mois plus tôt. La lettre vint ; M. Thiers, peut-être, s’attendait à provoquer une nouvelle démarche aussi flatteuse pour son amour-propre qu’utile à ses projets : mais la proposition de refuser la démission du chef de l’État ne réunit qu’une respectable minorité. La gauche alors se retira, ne laissant que 392 votants, et 390 voix nommèrent le maréchal de Mac Mahon Président de la République française. Les monarchistes ne se doutaient guère qu’ils venaient de consacrer l’existence et d’assurer le fonctionnement du régime républicain.

Pour la première fois depuis Louis xviii on voyait, en France, une transmission de pouvoir s’opérer dans le calme le plus complet, avec une surprenante rapidité, sans qu’il y eût le moindre arrêt ni même la moindre hésitation dans la machine gouvernementale. Le pays était trop déshabitué d’un pareil spectacle pour ne pas apprécier hautement le régime qui l’en rendait témoin. En élevant au rang suprême un maréchal de France, créé duc de Magenta par l’Empire et bien connu pour ses opinions résolument conservatrices, la droite avait prétendu lui confier la singulière mission, sinon d’étouffer la République, du moins d’arrêter la diffusion des idées et des doctrines républicaines. Or, la masse de la nation raisonna tout autrement et, voyant un soldat loyal accepter la présidence, conclut qu’entre ses mains la République ne courait aucun danger[1].

  1. En Europe, on affecta, surtout dans les cours du Nord, de considérer l’élection du 24 mai comme une nouvelle révolution. La Prusse ne se contenta pas d’une notification du chef de l’État ; elle exigea de l’ambassadeur français de nouvelles lettres de créance. L’Angleterre, plus faite au parlementarisme, n’éleva aucune difficulté, et force fut bientôt à l’Europe