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la question sociale.

de partisans de la coopération et du mutualisme proudhonien ; ils répudiaient le collectivisme et l’emploi de la force[1]. Mais par son influence déjà considérable, M. Jules Guesde parvint à faire voter dès 1871 (congrès de Marseille) des résolutions collectivistes ; et l’année suivante, au congrès du Havre, la rupture définitive s’opéra. Jules Guesde avait rapporté de Londres, avec le même respect que Moïse descendant du Sinaï, les nouvelles tables de la loi rédigées par Marx et Engel ; son journal, l’Égalité, jouait un rôle important. Toutefois sa prépondérance n’était pas reconnue par tous. Les communards amnistiés, revenus de Nouméa, le considéraient un peu comme un intrus[2]. Paul Brousse et Joffrin, ce dernier très populaire dans son parti, se disaient « possibilistes », c’est-à-dire un peu opportunistes de procédés. Ils réussirent à provoquer une nouvelle scission en 1882, au congrès de Saint-Étienne, aidés en cela par le peu de succès qu’avaient obtenu aux élections de 1881 les candidats socialistes : 303 groupes restèrent à Saint-Étienne ; 32 groupes, sous la direction de Jules Guesde, émigrèrent à Roanne. Le congrès de Marseille avait divisé le pays en six régions ayant pour chefs-lieux : Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille et Alger ; la fédération du Nord resta seule guesdiste ; les autres suivirent Paul Brousse. Mais Paul Brousse était un érudit, un lettré ; il admettait l’action politique, que ce

  1. Leur chef était M. Barberet, depuis chef de bureau au ministère de l’intérieur.
  2. Jules Guesde, de son vrai nom Mathieu Basile, n’avait fait que diriger un journal à Montpellier et y avait patronné, en 1871, la candidature de Gambetta. On savait qu’il avait blâmé le massacre des otages et rendu hommage « à nos braves soldats qui peuvent se battre, mais n’assassinent jamais ».