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la question sociale.

en elle toutes les sources : fraction qui, d’ailleurs, tient en sa main plus d’un ressort de l’administration publique. De l’autre, la faiblesse dans l’indigence ; une multitude, l’âme ulcérée, toujours prête au désordre. »

Non seulement les excès de luxe ont pour conséquence d’accroître la misère elle-même, en diminuant les ressources qui pourraient être employées par les riches à la soulager ; ils la rendent aussi plus difficile à supporter. L’inégalité des conditions fait mieux que s’imposer à l’esprit ; elle s’explique philosophiquement et économiquement ; mais cette espèce de mitoyenneté entre le gaspillage effréné des uns et l’absolu dénuement des autres ne peut subsister longtemps sans déterminer un courant de révolte qui entraîne les heureux aussi bien que les déshérités, grâce à ce sens inné de la justice que les passions oblitèrent parfois chez l’homme, qu’elles n’arrivent jamais à effacer complètement. C’est ainsi que la retentissante formule lancée par Tolstoï a trouvé de l’écho dans tous les milieux, et que la « religion de la souffrance humaine » a groupé des fidèles pris à toutes les Églises, même à celle de l’incrédulité. « Une conspiration tacite, inconsciente, s’est nouée entre des gens que tout sépare, depuis le prolétaire qui se rue aveuglément contre la machine sociale jusqu’aux conducteurs patentés de cette machine ; la conspiration commence à la haine d’en bas et finit à la vague pitié d’en haut ; elle réunit les efforts de l’homme d’action et les complaisances de l’homme de pensée ; elle rapproche à leur insu tous ceux qui souffrent du vieil ordre de choses, tous ceux qui en jouissent et le méprisent ; par les chemins les plus divers, elle les pousse pêle-mêle au même